Co-fondatrice Hélène

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Ni oubli, ni répit.

Des dizaines de vies en quelques décennies, le temps se fige mais ne s’arrête pas. Cette phrase m’accompagne souvent, tel l’écho fidèle d’une existence bien éloignée d’un long fleuve tranquille.

Je me suis mariée à 18 ans avec un jeune britannique tout aussi naïf et rêveur que moi. Ensemble, nous sommes partis nous installer à Nottingham, le pays de Robin des Bois, dans les Midlands Britanniques. Emplis d’illusions, nous étions persuadés qu’avec de la bonne volonté, toute difficulté pouvait être surmontée. Ces sept années là-bas ont vu naître cinq enfants bilingues, dont la petite enfance reste la plus douce période de ma vie. J’ai plongé à cœur perdu dans mon rôle de maman, espérant que mes grands gardent en mémoire ces années tendres et joyeuses.

Mais les lunettes roses se sont fissurées, la réalité s’est imposée. Début 2000, un événement grave m’a poussée à tout quitter pour revenir en France, avec une détermination acharnée. Pourtant, le couple n’a pas résisté. Quatre ans après ce retour, le divorce est devenu inévitable.

Les années adolescentes de ma tribu ont été comme une mer agitée, et du haut de mes 34 ans, je me sentais bien démunie. Laura, mon aînée, avait 14 ans lorsque ses tentatives de suicide ont commencé, régulièrement jusqu’à ses 22 ans. Si brillante, et pourtant si désireuse d’en finir. Malgré mes efforts pour trouver les bons thérapeutes, les bons parcours, elle semblait m’échapper. Je me débattais avec un désespoir sourd, souvent désignée ennemie ou coupable, mais surtout paralysée par un sentiment d’impuissance écrasant.

En 2014, après tant de chaos, un diagnostic a enfin été posé : trouble bipolaire. Tout prenait alors un sens rétrospectif. Laura a lutté, oscillant entre hauts et bas, ajustant ses traitements, mais ces choses-là prennent du temps, trop de temps. Soutenue par un compagnon bien familiarisé à cette pathologie, elle a trouvé la force de passer son CAP pâtissier avec brio en 2015, renouant avec sa vocation première.

2016 semblait marquer une accalmie : des projets d’avenir, un travail en pâtisserie, et des rêves de maternité. Puis le 15 octobre, tout a basculé. Partie rejoindre son compagnon à Cahors pour lui faire une surprise, Laura n’a prévenu personne. Entre 22h et 22h30, sur une petite route de campagne, sa voiture a fait une sortie de route fatale. Elle avait 24 ans.

Ces premières années après sa disparition ont été une apnée interminable, entre un cancer lymphatique pour ma cadette en 2018, mes propres soucis de santé, le décès de mon père en 2019, et un burn-out en 2020. Pourtant, j’ai toujours cru qu’au détour d’un virage, le paysage deviendrait plus doux, plus éclatant. Cet espoir indéfectible, je le dois à cette part de moi restée intacte, celle qui croit encore que l’amour et la lumière peuvent tout réparer.

L’été 2020 a toutefois marqué une limite. J’étais à bout, mon corps aussi. C’est alors que derrière ce virage tant attendu, il y a eu Caroline. Maman d’Anaïs, partie en 2019, elle partageait cette histoire de dunes, de sable et d’océan. Quand nous avons réalisé que seules vingt minutes nous séparaient, il fallait absolument nous rencontrer.

Je n’oublierai jamais ce 17 septembre 2020, son sourire lumineux venant vers moi sur le trottoir. Instantanément, j’ai su que ce moment compterait. Elle avait une lumière intérieure qui transcende tout, une lumière qui effaçait les années.

Puis est venue Sandra, d’abord par écran interposé, puis dans la vie réelle. Sa fragilité et sa force immense se mêlaient à la palette infinie de son regard. Très vite, une évidence s’est imposée : ensemble, nous voulions offrir du concret à nos vies et à celles des parents endeuillés. De l’espoir, une renaissance, malgré ce que beaucoup jugent insurmontable.

Ainsi est née notre association, une entité vivante, parfois imprévisible, souvent exigeante, mais toujours précieuse. Nous lui offrons ce que nous avons de meilleur, avec ce besoin viscéral de créer un espace où les parents endeuillés peuvent trouver un peu de répit, un souffle d’espoir, un endroit où déposer leurs fardeaux, et surtout un nouveau souffle né d’avoir identifié leurs ressources. Nous sommes infiniment reconnaissantes pour cette osmose qui ne faillit pas entre nous trois, un trio façonné par nos filles et les enseignements qu’elles ont laissé. Ce lien, aussi douloureux que lumineux, nous pousse à tendre la main à d’autres, chacun avec son histoire, ses forces et ses fragilités.

Ensemble, nous avançons, car la vie finit toujours par revenir.
Pas comme avant.
Jamais comme avant.
Différente, parfois inattendue, mais bien là.

Mots choisis d’un texte écrit par Laura le 23 Mars 2011 (19 ans), intitulé « Envie d’en Vie » :
L’Envie est une projection de soi…
Un infime bout de soi à part entière.
Elle me paralyse l’espace d’un instant, plusieurs minutes, parfois même des heures.
Je la sens naître, pour apparaître dans une réalité presque palpable.
Je la vois, je l’entends, je la ressens, jusqu’à la frôler et qu’elle pénètre en moi…

 

…Les Envies n’avaient plus de barreaux.
Elles allaient bientôt se libérer une à une, et laisser la place à de nouvelles envies, encore et encore, pour toujours.
Aujourd’hui je sais percevoir la naissance d’une Envie, la capter à son état le plus pur, et l’exprimer instantanément.
Cette réconciliation s’appelle la spontanéité, plus de mot dictateur…
Il m’a fallu des années de découvertes, d’écoute, d’expériences.
Je n’en finirai jamais d’apprendre, c’est la plus intense des motivations…
Je ressens, j’imagine, je me transporte, j’exécute, je profite, j’accueille et je vis.
L’Envie, moi je l’aime …

 

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