Je suis Caroline Chevalier,
J’ai deux enfants.
Anaïs, partie à 24 ans en janvier 2019, et Axel né en 1996, et qui vit à Montréal depuis 2014.
Avant de commencer, j’ai envie de dire que jusqu’à l’âge de 52 ans , j’ai eu une belle vie de famille. J’étais comblée avec mon mari, et mes deux enfants merveilleux. Certes, j’étais souvent seule, car le papa de mes enfants avait un métier très prenant. Mais je dépassais cela, grâce au bonheur d’avoir fondé la famille idéale dont je rêvais. A la maison on riait beaucoup.
Pourtant, il y avait un bémol : le mal-être chronique de ma fille.
Le départ d’Anaïs est de ceux qu’on qualifie injustement de “volontaire”, j’y vois surtout que ce jour-là, elle a cessé de se battre.
Ma fille n’a jamais été diagnostiquée malgré 10 ans de dépression, et une première tentative de suicide en 2015.
Elle était ce qu’on appelle une enfant à Haut Potentiel, lumineuse, charismatique, hypersensible, sûrement borderline.
Ce monde n’était que souffrances, et elle l’a quitté dans un moment d’extrême solitude à l’hôpital psychiatrique, où elle avait accepté d’entrer, en pleine crise suicidaire. Là, on lui a redonné des antidépresseurs et des anxiolytiques, dont elle ne voulait plus, et qui accentuent le risque de passage à l’acte durant les premiers jours.
Elle était entourée d’amour, mais face à l’angoisse permanente de vivre, l’amour des autres ne suffit pas.
De 14 ans à 24 ans, ce fut la chronique d’une “catastrophe annoncée”… J’ai vu le drame se profiler et je n’ai rien pu faire : crises d’angoisse, tétanie, scarifications, malaises, insomnies, cauchemars et tant d’autres maladies psychosomatiques…
Quand l’enfant est majeur, les parents sont exclus par les psychiatres, on ne sait rien de ce qui se passe et on ne peut pas aider notre enfant.
Anaïs disait qu’elle avait honte d’être malade, car elle avait “tout pour être heureuse” mais ne l’était pas. Elle culpabilisait beaucoup, et autour de nous, les gens pensaient qu’on avait juste une fille capricieuse…
Le 4 janvier 2019, après 5 jours de coma, son cœur s’est arrêté.
Elle a sauvé 4 vies grâce au don d’organes, elle qui voulait absolument donner un sens à sa vie…
Je me relevais d’un divorce et d’une opération au rein le mois précédent (une tumeur cancéreuse).
Je l’avoue, j’ai pensé la rejoindre. Je n’ai pas honte, et je comprends ce sentiment de se dire qu’on ne va pas pouvoir survivre à cette perte.
Et puis….
Plusieurs évènements m’ont fait basculer du côté de la Vie :
les signes et synchronicités liés à ma fille née un 23 mars (ce nombre me poursuit toujours, les cœurs aussi, les plumes…)
des recherches personnelles qui m’ont amenée à comprendre que rien ne s’arrête, qu’il y a une vie après la vie
des mains tendues d’autres parents “comme moi”, de belles rencontres
Alors doucement, pas à pas, je suis revenue à la vie.
J’ai construit des liens avec des parents endeuillés, qui eux seuls pouvaient me comprendre. Des contacts à distance, je suis passée aux rencontres de mamans à proximité de chez moi. J’ai lâché l’étiquette du “départ par suicide”, j’ai vite pensé que je ne devais pas me laisser enfermer dans cette double peine, celle de la culpabilité, en plus de l’absence physique.
Peu importe, notre enfant est passé “hors de notre vue”.
Alors j’ai ouvert mon cœur, et j’ai osé aller vers les autres.
J’ai rencontré Hélène et Sandra en septembre et octobre 2020.
Pourquoi elles ? Pourquoi est-ce que tout de suite quelque chose de fort s’est passé ?
Je crois que tout était prévu et que les bonnes personnes et les bonnes idées arrivent naturellement à nous.
Alors j’accueille ce renouveau, cette autre partie de ma vie.
Toutes les 3 très vite, en décembre 2020, nous avons créé un groupe privé FB “Les Mamans Lumineuses et les papas aussi”, qui en 2024 regroupe près de 1000 personnes, parents, amis, ou proches impactés par notre deuil.
On a aussi commencé de petits groupes d’échange en visio Zoom dès le mois de novembre 2020.
L’idée de l’association LML a germé rapidement.
Statuts, logo, conférences, groupes de parole…
Il était évident qu’on allait créer cette aventure ensemble en co-présidant à 3.
L’association LML est née le 24 mars 2021.
Et nous voilà 🙂
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Je vous présente ma fille Anaïs 24 ans et demi pour l’éternité
Si belle, si brillante, si forte et fragile à la fois, il y a dans ses yeux une tristesse presque imperceptible, une nostalgie de l’enfance insouciante…..